Swimming in the black sea
“Swimming in the black sea” s’inspire de Kéraban-le-Têtu, un roman publié en 1883 par Jules Verne racontant les tribulations d’un riche négociant turc, Kéraban, qui refuse d’acquitter une taxe imposée inopinément par le sultan pour la traversée du Bosphore, et qui décide de rejoindre Constantinople en faisant le tour de la mer Noire. Cette histoire romanesque est en filigrane de ce regard contem-porain sur l’ancien Pont-Euxin des Grecs.
Je suis parti sur les traces de ce personnage de Jules Verne, pour ensuite m’en détacher, constituant un poème visuel subjectif et atemporel aux couleurs acidulées. En Turquie, les points cardinaux sont désignés par des couleurs : Ak, le blanc pour le Sud, Kara, le noir pour le Nord. Ainsi, la mer Méditerranée, mer blanche, se mue en mer Noire au niveau du détroit du Bosphore. Et, c’est précisément ce lieu que j’ai choisi comme point de départ de cette série Swimming in the black sea. De 2004 à 2012, j’ai ainsi réalisé plusieurs voyages en Turquie, Bulgarie, Roumanie, Ukraine et Géorgie.
De la Méditerranée voisine percent la douceur
de vivre et les accents du Sud, mais cette errance photographique autour d’une mer que l’on ne voit presque pas convoque aussi bien l’histoire avec un grand H que l’actualité plus contemporaine.
Au premier abord, cette série semble plus poétique, plus légère que mes travaux précédents notamment sur le continent africain qui empruntaient une veine plus documentaire, et un style plus tendu, plus direct.
Je ressentais le besoin de rester silencieux. En outre, de par ma formation d’historien-géographe, mon rapport au temps est exacerbé.
Sans mélancolie ni nostalgie, je m’inscris souvent dans la conscience du temps qui passe. Pour moi, travailler en polaroid était le moyen de dialoguer de manière nouvelle avec ce temps insaisissable, en expérimentant l’immédiateté. “Swimming in the black sea” est à considérer aussi comme l’interrogation d’un photographe dans son rapport au monde et à sa pratique artistique.