• Jean-Christian BOURCART

The Frenchies

De 1982 à 1992, j’ai beaucoup photographié les gens, les français dans la rue, lors d’événements. Des inconnus, des hommes politiques, des touristes. J’aime ces moments où les gens sursautent à ma présence, s’agrippent, se contorsionnent ; actes ambigus, rencontres accidentelles, la rue comme un monde parallèle, étrange, comique et dramatique à la fois.

Traffic
New York, 1999-2003

Il y a toujours des embouteillages sur Canal Street, là où j’habite. Les Américains semblent mélancoliques et résignés, tapis derrière les vitres teintées de leur grosse berline. D’autres dans les bus ou les taxis s’assoupissent, frappés par la longueur du jour.

Depuis le trottoir, je les ausculte à travers mon puissant téléobjectif. Je les regarde me regarder, incrédules, stupéfaits comme les animaux pris dans les phares, la nuit.
Certains ne bougent plus. D’autres tentent de se tourner, se protègent du journal, de la main. Quelques-uns confrontent mon regard mécanique abandonnant ainsi leur image à une destinée dont ils ne savent rien.

I shot the crowd
Paris, New York, Shanghaï, Phnom Penh, 2009

Dans les stations de métro, aux entrées des marchés ou des universités dans quelques unes des plus grandes métropoles du monde, j’enregistre le déferlement humain. Des centaines, des milliers de visages défilent dans mon viseur, je shoote en rafale à l’aveuglette, les flashs de mes assistants révélant les expressions de surprise, transformant un flot continu en un tableau éphémère. Que peut-on apprendre de notre aventure commune, en observant les relations de l’individu à la foule, mais aussi d’une foule à l’autre - morphologies, densités, directions, rythmes ?

The black sheet
New York 2010

Je photographie une photographie noire. Rien à voir, sinon les éléments qui s’y reflètent. En l’occurrence moi, ma famille, les amis. La surface est brillante, sa texture transforme, défonce ce qu’elle réfléchit.
C’est un excès de lumière qui permet de faire rendre une image à cette page d’obscurité qui, normalement, absorbe tout.

Cette feuille noire est comme notre esprit, reflétant ce qui se passe autour, mais toute cette activité n’intervient pas sur sa qualité primordiale vide. Les images sont comme les pensées : elles semblent solides, importantes mais elles n’ont pas de matérialité. Elles ne font que passer.

Jean-Christian BOURCART

Par l’utilisation de plusieurs médium (photographie, écriture, vidéo, cinéma), il propose une vision kaléidoscopique qui évoque, informe et interroge notre expérience intime, politique et spirituelle.

Son travail a été présenté à la galerie Urbi et Orbi, à la galerie du jour, à la Reflex Gallery, Amsterdam, à la Kagan Martos gallery et Andrea Meslin Gallery à New York, au musée du Jeu de paume, aux Rencontres d’Arles, au Museum für Photographie Braunschweig, à la Shanghaï Gallery of Art, au Musée du Louvre-Lens, à l’Invisible Dog Art center, Brooklyn, à la Roger Williams University, Bristol.

Son travail a été récompensé par le prix Polaroïd, le World Press photo, le prix Gilles Dussein, le Prix du Jeu de paume, le Prix Niepce et le Prix Nadar. Ses photographies sont dans les collections du M.O.M.A. de New York, du Fond National d’Art Contemporain, de la M.E.P., du musée Niecephore Niepce, du M.A.M.C.O. de Genève, du Shengda Art Museum, Shangaï, et du Chrysler Museum of Art, Norfolk.

JCB a écrit et réalisé deux long métrages de fiction et une quinzaine de vidéos. Huit livres monographiques ont été publiés sur son travail.

Il est né à Colmar en 1960, a vécu à New York pendant 22 ans et est depuis 2 ans sans point d’attache fixe.

www.jcbourcart.com