Grand hotel Guernsey
Ce qui frappe en entrant dans une prison, c’est cette odeur chimique de produits nettoyants industriels qui vous monte à la tête.
- “On s’y habitue.” me lance l’officier de sécurité qui m’accompagne.
Nous sommes en 2013. Je le suis pas à pas. Il ouvre de manière mécanique, une à une, les nombreuses portes blindées en barreaux d’acier pour me guider vers une salle d’étude où je dois rencontrer un premier groupe de prisonniers.
Je remarque au passage, l’incroyable propreté des lieux, les sols reluisants qui reflètent la lumière des néons. Sur chaque porte, un écriteau : “LOCK IT & PROVE IT” (VERROUILLER ET VÉRIFIER). Je m’étonne du silence environnant et de ma complète désorientation après quelques minutes de marche.
Ce moment est l’aboutissement de plus de deux ans de négociation avec l’administration pénitentiaire. Mes nombreuses tentatives de présentation de mon projet sont restées lettre morte.
Il aura fallu le hasard d’une rencontre pour m’ouvrir une première porte.
Wendy Meade, 70 ans, visiteuse de prison, engagée, volontaire, m’obtient un premier rendez vous avec la directrice adjointe.
Ma proposition d’offrir des cours de photographie aux prisonniers est reçue avec un
mélange de courtoisie très Britannique et de perplexité.
Lorsque j’ajoute que j’aimerais aussi pouvoir circuler librement dans la prison avec les participants pour prendre des photos, la courtoisie s’efface pour laisser place à une remarque un peu plus directe :
- “Are you crazy ? (Est ce que vous êtes fou ?)”