Retour à Saint Anne
En 2009, après le décès de ma grand-mère maternelle, Jeanine, je découvre dans son appartement une petite valise contenant des photos, un agenda de l’année 1943 lui ayant appartenu et la première édition datée de 1948 du livre « Sans fleurs ni couronnes » de ma grand-tante, Odette Elina, grande résistante rescapée du camp d’extermination d’Auschwitz.
Partant de ces élé¬ments, débutent des investigations qui me conduiront une première fois à Fiac dans le Tarn, à château Sainte-Anne, où naquit ma mère le 12 mars 1943.
Cette même année 43, en octobre, l’ancienne propriété familiale est le théâtre de la rafle de mon grand-père maternel et de mes arrière-grands-parents, tous morts à Auschwitz. Seules ma grand-mère, ma mère et ma grand-tante réchapperont à la milice.
En 2015, je réalise des prises de vues à Sainte-Anne et entreprends un travail d’écriture en regard des textes et dessins de « Sans fleurs ni couronnes ». Puisant dans la valise, l’agenda de Jeanine devient le fil d’Ariane du projet.
L’agenda ne dévoile rien des évènements dramatiques survenus à Sainte-Anne. Il rapporte les progrès faits par ma mère alors bébé ; son poids, sa taille, les quantités de lait absorbées, les poussées de fièvre, etc.
L’agenda est un aide-mémoire utile à la jeune mère, une étendue soustraite à l’agitation du monde. À sa lecture, rien ne transparait du contexte extérieur.
Dans « Retour à Sainte-Anne », l’alternance des pages de l’agenda de Jeanine et des dessins d’Odette Elina réalisés à Auschwitz, crée un point de tension entre intérieur et extérieur, un lieu où coexistent, sans jamais se rencontrer, la venue au monde de ma mère et le monde courant à sa perte.