• Clémence ELMAN

Passe moi le sel tu veux

De manière rituelle, depuis plusieurs mois maintenant, je photographie les repas pris chez mon grand-père. Le contexte actuel m’a fait repenser la relation que j’entretiens avec lui.

Devant le sentiment d’urgence à passer plus de temps en sa compagnie, j’ai poussé plus loin encore ce dispositif en imaginant des mises en scène en fonction des discussions que nous avons autour de la table. La caméra devient le témoin de notre face à face.

Les repas pris chez lui, dans sa salle à manger, sont le point de départ de la narration, les autres photos découlent de mes déambulations dans ce lieu que j’épuise sous la forme d’un documentaire-fiction, en jouant avec l’esthétique particulière de cet intérieur datant des années 1970.

Ainsi, à travers les autoportraits qui ponctuent la trame narrative, je me glisse dans ce décor, m’imaginant vivre dans cette maison dans la peau de différents personnages.

Les vêtements portés ou choisis, les accessoires, ainsi que la décoration convoquent un univers rétro-futuriste figé dans le temps, une atmosphère en suspens, renforcée aussi par l’homogénéité des couleurs.

Ce travail aborde également la question du décalage générationnel, du conflit intérieur que l’on peut ressentir parfois face à nos grands-parents, de la difficulté à communiquer, de l’importance de la transmission.

Dans la continuité de ma série précédente La Fin des Voyages, qui questionnait notre rapport au voyage en tant qu’occidentaux (et les rapports de domination qui en découlent), cette série soulève aussi la question de l’exotisme et de la relation que mon grand-père - qui appartient aujourd’hui à une classe sociale privilégiée - entretient avec l’ « Ailleurs », notamment à travers la présence de la végétation, l’évocation de la faune, et les objets ramenés de voyages.

Clémence ELMAN

Née en 1992 à Paris, Clémence Elman a passé son enfance à Pau.

En 2015, elle sort diplômée en sciences politiques de l’IEP de Toulouse et s’installe à Berlin, où elle commence des études de photographie, à la Neue Schule Für Fotografie.

Puis, elle intègre l’École nationale supérieure de la photographie (ENSP), à Arles, dont elle est diplômée en juin 2020.

Elle faisait partie en 2020 des photographes sélectionné.e.s dans
le cadre de la 35ème édition du Festival de mode de Hyères, à la Villa Noailles, pour le prix Photo Marseille, ainsi que pour le Athens Photo Festival.

Elle était exposée dans le cadre du Prix Dior de la photographie et des Arts Visuels pour Jeunes Talents 2021 à LUMA Arles.