• Camille GHARBI

Les monstres n’existent pas

2019-2022
Sur la période 2011–2018, on estime à 295 000 le nombre de personnes victimes de violences physiques et/ou sexuelles au sein du couple, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.
Environ 213 000 de ces personnes, soit 72%, sont des femmes. Ces chiffres nous parlent du nombre de victimes de violences, mais aussi de leurs auteurs, et, dans une moindre mesure, de leurs autrices.

La lutte contre les violences conjugales passe par la protection des victimes, mais également par la prise en charge de leurs agresseur·euse·s, qui est la clé de voûte en matière de prévention des passages à l’acte ou de la récidive.

Sans rien excuser ni minimiser, ce travail met en lumière des auteurs et des autrices d’actes violents au sein de leur couple, qui sont incarcéré·e·s pour les faits qu’ils ou elles ont commis, et qui sont engagé·e·s dans une démarche de réflexion par rapport à leurs actes.

En faisant face à leurs responsabilités, en s’exprimant sur leurs gestes, ces personnes peuvent contribuer à la prévention des faits pour lesquels ils ou elles sont condamné·e·s. À travers elles, c’est notre société tout entière qui doit faire face à sa propre violence.

Les conjoint·e·s violent·e·s ne sont pas des « monstres » vivant à la marge, mais des individus souvent bien intégrés à la société dans laquelle ils évoluent. Leurs actes nous parlent de notre monde, de sa brutalité, de son injustice.

C’est un sujet très important pour moi, car il est au centre de la déconstruction du cycle de la violence au sein du couple.

Grâce au soutien de l’administration pénitentiaire, j’ai pu rencontrer dans des parloirs ou en détention des personnes volontaires pour participer à ce projet, et les ai interrogées sur le regard qu’elles portaient sur leurs actes, la manière dont elles comprenaient comment elles en étaient arrivées là, les stratégies qu’elles pensaient mettre en place pour ne pas récidiver.

Les émotions, souvent très imagées, exprimées par les auteur·trice·s lors des groupes de paroles, viennent ponctuer les témoignages et les portraits.

Les mécanismes qui conduisent aux violences conjugales sont complexes, mais pas inéluctables. Pour que les choses changent, il est nécessaire de les regarder en face.

« Comment est-ce que c’est possible que ça arrive ? Qu’est-ce qu’on a tous comme responsabilité collective pour que ça arrive ? C’est de ça dont on parle. Si vous voulez, les monstres, ça n’existe pas. C’est notre société, c’est nous, c’est nos amis, c’est nos pères. C’est ça qu’on doit regarder. On n’est pas là pour les éliminer, on est là pour les faire changer. Mais il faut passer par un moment où ils se regardent, où on se regarde. » Adèle Haenel, Médiapart, 04/11/2019.

Camille GHARBI

Camille Gharbi est née en 1984 et vit à Pantin, en région parisienne.
Après des études d’architecture et quelques années passées en agence, elle change de voie pour se consacrer à la photographie d’architecture, de portrait et au reportage de presse.

En parallèle de son travail de commande, elle développe
des projets personnels en lien avec des thématiques sociales :
les violences de genre, la problématique des migrations, la résilience.

Sa démarche, entre photographie documentaire et plasticienne,
cherche à interroger l’état du monde en jouant sur la distance
et l’esthétique afin de convoquer l’empathie et le sensible

Depuis 2018, son travail a été programmé lors d’expositions
et de festivals de photographie.

L’enquête menée par Le Monde en 2019-2020, intitulée : « Féminicides, mécanique d’un crime annoncé », dont elle réalise toutes les photographies, a été récompensé du Visa d’or de l’information numérique 2020 au festival Visa pour l’Image à Perpignan.