• David SIODOS

Sauvage

Perdu dans la forêt, j’errais sans but, loin des pesantes réalités du monde. Soudain, un bruit vint percer le silence. Un craquement incongru qui aussitôt, me fit prendre
conscience que je n’étais pas seul. Face à moi, un homme se tenait debout.

Entre défiance et questionnement, il blottissait un chat contre son pull déformé et troué.

Le cheveu hirsute, il ne détournait pas le regard, ne faisait aucun mouvement, il était
comme pris au piège.

Tel un naufragé, il avait trouvé refuge au milieu du néant. Un bois, en bordure du monde civilisé, marquait sa terre d’asile. Son campement précaire, niché au cœur des arbres, était érigé comme un monument. Au mépris des institutions, sa présence semblait marquer un scepticisme vis-à-vis de notre civilisation triomphante.

Comme noyé dans sa solitude, il paraissait perdu, confus, désorienté. Mon urgence n’était pas la sienne.

Son temps n’était pas le mien. Il était d’une autre essence, d’une autre hauteur.
Comme hypnotisé, je suis resté plusieurs mois à l’écouter me raconter son histoire.
J’assistais, impuissant, à la noyade d’un homme qui ne maîtrisait en rien son destin.
Destin, dont il ne soupçonnait pas vraiment qu’il en était le père et l’artisan.

« Je suis malade, je ne suis plus en mesure d’affronter le monde. Je vis reclus ici car je fuis le regard des autres. Les gens comme moi font peur... »
Franck, Toulouse, septembre 2020

Au delà de l’inquiétante anomie de ces existences, quel sens attribuer à ces personnes qui semblent se détourner du monde avec une sorte de souveraineté et terrible mépris ?

Que tentent d’exprimer par leurs souffrances ces individus qui se détruisent sous nos
yeux ?

Ce sont ces questionnements qui ont animé nos rencontres. Je le suivais telle une
ombre, je l’écoutais. Il m’écoutait. D’une rencontre hasardeuse, il était devenu un ami.

Il souhaitait reprendre le dessus mais comme beaucoup de malades psychotiques, il avait tendance à idéaliser. La pauvreté rend innocent.

A cause du rêve surtout. Et de l’espoir.

Impératif espoir. Il faut rêver absolument. De n’importe quoi.
D’autre chose et d’autre part.
Rêver à n’importe quel prix. Rêver, c’est voyager déjà… C’est partir un peu.

David SIODOS

Rien ne le prédestinait à devenir photographe.

Né d’une famille modeste, la discrétion et le labeur étaient les rouages de son éducation.

Il ne faisait pas de vagues et suivait un parcours classique sans relief.

Plus tard, il débutait sa vie professionnelle mais ne parvenait pas à s’accomplir totalement.

Par hasard, la photographie a changé sa vie.

Sensible et curieux, le destin lui a ouvert les portes d’une exposition non loin de chez lui, à Toulouse.

Le travail du photographe Willy Ronis était mis à l’honneur et pour la première fois dans sa vie, il se sentait parfaitement à sa place.

Dès lors, il décidait de parcourir la rue à la recherche d’une scène de vie, d’une émotion unique. Il était perdu mais totalement heureux. Plus tard, il se retrouvait à arpenter les abords du périphérique pour documenter la vie de ceux dont on ne parle pas.

Depuis, son travail se concentre sur la vie alternative via des projets mettant en avant la marginalité via des lieux différents.

Au travers sa photographie, il s’attelle à présenter un monde difficile et reclus sous un angle humain et poétique.