MENNESSON Odile

broadway musicals

MENNESSON Odile

broadway musicals

Photographier un corps, c’est l’expérimenter dans toutes ses dimensions dans l’espoir de ne jamais le circonscrire, dans l’espoir de le libérer de toute définition. L’éclatement formel du portrait pour accèder à la vérité du corps : son irréductibilité.

Ici, la fenêtre photographique est ouverte sur un petit théâtre. Le décor est sobre, quelques éléments nous placent dans un environnement quotidien. Au milieu de cet ensemble clos, un corps se présente à nous. Détaché des préoccupations quotidiennes, il se met en mouvement pour nous offrir sa gestuelle : expressive ou convenue, consciente ou intuitive. Il danse. Le temps s’arrête pour le laisser écrire sa propre histoire. Une histoire qui n’en est pas une car ces gestes sont sans objet. Il s’agirait plutôt d’une rêverie. Tâcher d’esthétiser le réel, lui donner un air de fête ou tout du moins de liberté. Sans voix, retrouver ce glissement du réel vers l’imaginaire propre aux musicals. « Hybride, hétérogène et anti-naturaliste, la comédie musicale hollywoodienne repose sur des codes dramatiques et formels hautement artificiels que les procédés d’écriture, le jeu des acteurs et la mise en scène ne cessent de mettre en relief par une théâtralisation constante des moments de performance. »1
Un travail hybride en effet, articulant photographie/théâtre et performance/danse. Un cadre théâtral défini par le cadre photographique. Un corps dansant dont la fulgurance et l’insaisissabilité évoquent la performance. On rejoint alors les enjeux du théâtre dansé de Pina Bausch : « la réhabilitation de la poésie […] dans sa capacité à relier le possible au réel »2. Imbriquer, enchevêtrer le réel et le possible. C’est une démarche de construction. Chercher en soi, fouiller la matière corps, ses normes et ses émotions, pour s’inventer une présence audacieuse. « Une mise en forme du présent dans lequel résonne le passé et s’annonce le futur. »3

L’aspect anonyme et fantaisiste de ces photographies est une invitation faite au spectateur à participer au jeu de l’enchantement du monde. Loin des dérives du carpe diem ou de l’étouffante vanité, il s’agit d’être, comme voulait l’imaginer Albert Camus, un Sisyphe heureux. Ce travail célèbre la légèreté de Sisyphe. Il insère un memento vivere dans le memento mori.
Ici, aucune injonction morale mais le redéploiement du corps comme outil archaïque de construction de soi et du monde.

Chaque photographie présente le fragment d’une situation gestuelle. Les différents fragments sont assemblés, ‘’montés’’, en une composition rythmée, libérée du récit. Chaque série est tirée sur papier mat afin d’atténuer les effets photographiques et laisser place au document. L’ancrage dans la vie quotidienne est réaffirmé par le titre et la présentation sous forme d’objets facilement manipulables : à l’horizontale, carnets japonais valorisant le processus d’écriture et la continuité ; en accrochage vertical, cadres individuels de petite taille (20 à 30 cm pour le grand côté) en bois affleurant dont l’organisation valorisera la dimension chorégraphique et éclatée.