Neus SOLA CASSI

Poupées

Neus SOLA CASSI

Poupées


Poupées est un projet de photographie documentaire qui propose une réflexion autour du concept d’identité et de liberté des jeunes filles (enfants et adolescentes) gitanes de la banlieue perpignanaise de La Cité ; un quartier exclusivement gitan considéré comme l’un des plus pauvres de la ville. Avec l’intention de dessiner un témoignage visuel sur la jeunesse féminine gitane de cette communauté, le projet pénètre dans les étapes préalables au passage à l’âge adulte de ces filles, dans la volonté de montrer la face la plus sauvage de leur existence, en contraste avec les restrictions qu’elles vont devoir assumer une fois qu’elles perdront leur virginité et deviendront des femmes.

Le projet part de l’étape de l’enfance, période dans laquelle les filles profitent d’une extraordinaire liberté et d’une permissivité qui n’auront plus leurs places dans les futures étapes de leur vie. Il s’achève sur l’adolescence, marquée par la recherche d’une identité ; recherche dans laquelle l’auto-représentation (la façon dont elles se montrent) joue un rôle important pour elles. Les filles sont prises dans la contradiction de leur réalité : d’un côté, elles se prennent au jeu actuel de la sexualisation précoce, tandis que de l’autre, elles doivent vivre avec les incontournables normes de leur tradition.

L’adolescence arrive à sa fin après l’épreuve du mouchoir, qui prouvera la virginité et honnêteté de la fille de la main de l’ajuntaora. À ce moment-là, la fille devient une femme propriété de son époux et de la famille de ce dernier. La perte de la virginité constitue donc un rite de passage qui mettra fin à un petit monde de spontanéité et d’autonomie, marquant l’entrée dans une réalité imprégnée de soumission et de servitude.

“Dolls” fonctionne comme une métaphore associée au système patriarcal gitan. D’un côté, le titre fait allusion à l’innocence et la pureté caractérisant l’univers de l’enfance féminine, dans une société qui met sur un podium l’honneur et la virginité ; de l’autre côté, il se réfère au concept de femme-objet à travers la hyper-sexualisation de ces filles. Comme l’explique l’auteur et activiste féministe Jessica Valenti : « Quelle est la différence entre vénérer des femmes pour être baisables ou les mettre sur le piédestal de la pureté ? Dans les deux cas, la valeur de la femme réside dans son habilité de satisfaire les hommes, modelant son identité sexuelle par rapport à ce que les hommes veulent. » Ainsi, il s’agit de deux faces d’une même pièce qui répond à une construction social identitaire associée à la marchandisation et au contrôle porté sur la femme.

L’intention de Poupées est de parler « au côté » de la femme gitane, à travers le prisme d’un regard chaleureux et humain, dans la finalité de montrer une thématique visuellement peu connue et de diluer la frontière de l’altérité d’une ethnie victime de stigmatisation, de discrimination et d’exclusion sociale.


Valenti, Jessica. The Purity Myth. Berkley. Seal Press. 2009