AREVALO G. Ana Maria

Días Eternos

AREVALO G. Ana Maria

Días Eternos

Depuis 2017 et jusqu’en 2019, Ana María Arévalo Gosen a entrepris un projet téméraire. Elle a photographié des femmes dans des centres de détention provisoire au Venezuela. Ce sont des établissements pénitentiaires datant de le première décennie du 20ème siècle. Quand les gens étaient emprisonnés dans des conditions inhumaines. 

Quiconque pense que cela est arrivé il y a cent ans commet une erreur. Les images qu’elle a prises avec son Leica dans des centres de détention de plusieurs villes du Venezuela montrent des preuves de la violation scandaleuse des droits de l’homme. C’est un travail qui met en évidence l’une des causes profondes de la crise au Venezuela. Le système de justice ne fonctionne pas de la même façon pour tout le monde. Au contraire, il prive de leurs droits les membres les plus pauvres et les plus vulnérables de la société, les femmes.

Décès dus à la malnutrition, aux maladies infectieuses et aux émeutes. Surpeuplement important et extrême précarité des installations sanitaires. Manque d’assistance médicale, absence d’activités sportives et occupation au ralenti. Cas de violences et de torture. Il y a un air de désespoir à l’intérieur de ces installations. Les familles ont abandonné les femmes emprisonnées une fois qu’elles sont entrées dans le système. Ou alors elles sont détenues loin de chez elles, ce qui rend difficiles les visites par la famille. Cela a des implications énormes dans la vie des détenues. De leurs familles provient la nourriture qu’elles mangent tous les jours. Sinon, elles comptent sur la générosité des autres prisonnières pour partager leur nourriture. Ou mourir de faim. Dans ce contexte de privation, les détenues se trouvent dans une situation très vulnérable. 

Leur séjour dans ces centres ne devrait pas, en principe, aller au-delà de 45 jours. La réalité est que les délais de procédure peuvent durer des mois, voire des années. 

À partir du XXe siècle, la photographie documentaire démontre le pouvoir des images à montrer des faits contradictoires dans une société. Mme Arévalo Gosen laisse, par le biais de son appareil photo, le témoignage des injustices qui la dérangent. C’est pourquoi, lorsque son travail a été reconnu par le Pulitzer Center on Crisis Reporting et la Women Photograph en 2018, elle a trouvé un moyen de mettre en évidence les malheurs des femmes vénézuéliennes enfermées dans des centres de détention. 

Dans son travail, il y a des photographies de prisonnières allongées sur des matelas minces qu’ils utilisent comme lits. Elles ne posent pas pour la caméra. Elles passent leur temps dans une inactivité dérangée. Ana photographie une femme qui utilise un seau d’eau comme toilette. Ou des détenues à moitié nues, y compris des femmes enceintes, faisant la queue pour prendre une douche dans une salle de bains improvisée. Elle capture des jambes et des bras entrelacés. Il y a des corps avec des cicatrices laissées sur la peau lors de dommages physiques auto-infligés. Il y a des photos de visages d’une intense tristesse, de regards égarés et de gestes affligés. Elle se concentre également sur les murs avec des dessins de cœur remplaçant les sentiments nobles. Des sacs à dos suspendus tout autour du périmètre de la prison semblent indiquer que leurs propriétaires ne font que passer. 

Elle a passé des jours dans les cellules avec ces femmes. Elle a partagé leurs expériences avec elles, elle a aussi raconté les siennes. Elle a recherché l’intimité et la confiance. Ensuite, elle a laissé faire son appareil photo. 

Ce sont des femmes d’origines modestes. Leurs biographies ont été marquées par l’abandon de la famille, les abus sexuels et les traitements violents. Bien qu’elles aient connu l’amour, leur vie étriquée ne leur a pas donné un moment de trêve. Elles sont accusées de trafic de drogue, de vol qualifié, d’enlèvement, d’infanticide, de terrorisme ou d’homicide. Avoir une seconde chance dans leur vie est une idée récurrente que presque tout le monde a en tête. 

Face à cette terrible réalité carcérale, le débat public et l’action politique au Venezuela et dans les pays d’Amérique Latine doivent obligatoirement contribuer à la mise en place urgente d’institutions pénitentiaires ne violant pas les droits humains des détenus. Être une femme, c’est préserver une spécificité humaine : la capacité à ressentir de l’empathie, de la solidarité et de la compréhension pour l’autre.